Le législateur a récemment interdit, en droit belge de la concurrence, les abus de dépendance économique (nouveaux articles I.6 et IV.2/1 du Code de droit économique).
La dépendance économique vise une situation dans laquelle une entreprise détient un certain pouvoir de marché lui permettant d’exercer sur ses partenaires une domination relative et d’imposer des prestations et des conditions qu’elle ne pourrait pas imposer sans ce pouvoir de marché (sans pour autant détenir une position dominante).
En quoi consiste l’abus de dépendance économique ?
L’abus de dépendance économique peut prendre les formes suivantes :
- le refus de vente ;
- l’imposition d’un prix manifestement exagéré ;
- des clauses qui limitent la distribution sans raison objective ;
- la discrimination : des clauses vous sont imposées sans qu’elles le soient aux autres partenaires commerciaux, vous infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence ;
- des obligations qu’on vous impose et qui n’ont pas de lien économique ou commercial avec votre contrat de base.
L’entreprise en situation de dépendance économique, quant à elle, ne dispose pas d’alternative raisonnablement équivalente et disponible dans un délai, à des conditions et à des coûts raisonnables.
Comment reconnaître la dépendance économique ?
L’appréciation de la dépendance économique dépend de plusieurs facteurs parmi lesquels :
- le pouvoir de marché de l’entreprise en position de force ;
- l’importance de la part de l’entreprise en position de force dans le chiffre d’affaires (plus cette part est élevée, plus le risque de dépendance vis-à-vis d’elle augmente) ;
- la technologie ou le savoir-faire détenu par une entreprise en position de force (elle est la seule à pouvoir apporter les produits ou les services dont l’entreprise dépendante a besoin) ;
- la rareté ou la nature périssable d’un produit ;
- l’accès à des ressources ou à des infrastructures essentielles détenues par l’entreprise en position de force ;
- la notoriété forte d’une marque ou la loyauté d’achat des consommateurs vis-à-vis d’une marque ;
- les avantages tels que les rabais, demandés par l'entreprise en position de force, qui ne sont pas accordés aux autres entreprises dans des circonstances similaires;
- la crainte de graves désavantages économiques, de représailles ou de fin de relation contractuelle ;
- le choix délibéré ou contraint de se placer dans une position de dépendance économique.
Dans quelles circonstances la dépendance économique est-elle interdite ?
De nombreuses entreprises collaborent avec des partenaires qui bénéficient d’un pouvoir de marché important, dans des relations de sous-traitance, de franchise, de concession exclusive de vente, de système de distribution, etc. Le fait de tenir une entreprise en position de dépendance économique n’est pas interdit en soi. Seule l’exploitation abusive d’une telle situation qui est susceptible d’affecter la concurrence est interdite.
L’interdiction de l’abus de dépendance économique est subordonnée à trois conditions :
- l’existence d’une position de dépendance économique ;
- un abus de cette position ;
- une affectation potentielle ou réelle de la concurrence sur le marché belge ou une partie de celui-ci.
Que pouvez-vous faire en cas d’abus de dépendance économique ?
Le recours en justice
Le tribunal de l’entreprise peut intervenir pour faire cesser l’abus, après l’avoir constaté (action en cessation – qui ne peut toutefois pas intervenir sur la relation contractuelle proprement dite).
Le tribunal peut aussi indemniser l’entreprise victime des dommages subis, voire annuler les clauses d’un contrat qui sont le résultat de l’abus (action en réparation). Pour cela, vous devrez prendre directement contact avec un avocat.
Le dépôt d’une plainte auprès de l’Autorité belge de la concurrence (ABC)
L’Autorité belge de la concurrence (ABC) peut intervenir si l’abus est avéré après une enquête. L’ABC peut préserver l’anonymat du plaignant et des victimes et peut contraindre les coupables présumés à coopérer à l’enquête menée et, le cas échéant, à mettre fin aux abus en vue de protéger l’intérêt général.
L’ABC peut aussi condamner les auteurs d’abus à des amendes sévères, ainsi que prendre des mesures provisoires destinées à suspendre des pratiques abusives. Cependant, l’ABC ne peut pas condamner l’auteur de l’abus à indemniser sa victime pour réparer le préjudice subi, car seul le tribunal de l’entreprise peut le faire (cf. recours en justice expliqué ci-dessus).
L’intervention de l’ABC est gratuite et n’oblige pas la victime à s’exposer par rapport à l’entreprise en position forte dont elle dépend, ce qui pourrait la mettre en danger économiquement. Néanmoins, l’ABC n’interviendra que dans la mesure où l’exploitation abusive de la position de dépendance économique constatée est susceptible d’affecter la concurrence sur le marché belge concerné ou une partie substantielle de celui-ci.
La mise en œuvre d’une action en réparation collective (ou « class action »)
Si vous êtes une petite ou une moyenne entreprise (PME) et que vous constatez une situation de dépendance partagée vis-à-vis d’une entreprise en position de force face à d’autres petites entreprises ou PME, vous pouvez introduire une action collective avec celles-ci. Pour ce faire, vous pouvez faire appel à une organisation (inter)professionnelle siégeant au Conseil supérieur des indépendants et PME (CSIPME) ou à une autre instance agréée par le ministre de l’Economie, telles que :
- l’Union des classes moyennes (UCM),
- Unizo,
- le Syndicat neutre pour indépendants (SNI),
- les associations d’intermédiaires en services bancaires et assurances (Fedafin et FVF),
- la Fédération de Entreprises de Belgique (FEB), etc.
Le recours au règlement extrajudiciaire (ou médiation)
Différents types de litiges professionnels ne constituent pas nécessairement un abus mais entraînent à coup sûr un dommage. Votre premier souci doit donc être de trouver rapidement une solution acceptable, à moindres frais, et susceptible de sauvegarder la relation commerciale.
Pour cela, vous pouvez vous rendre sur Belmed, la plateforme en ligne créée par le Service public fédéral Economie, qui vous donne de l’information sur le règlement extrajudiciaire et vous propose des personnes neutres et compétentes pour traiter votre dossier. Via Belmed, les parties sont assurées que leur litige sera traité en toutes confidentialité et sécurité.