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Après avoir atteint leur plus haut niveau depuis une décennie en 2022, les demandes de brevets européens déposées par des résidents belges ont légèrement diminué en 2023
L’Office européen des brevets (OEB) établit annuellement un classement du nombre de demandes de brevets déposées par pays (pays de résidence du candidat déposant). En 2023, la Belgique, avec 2.547 demandes de brevets (-2,2 % à 1 an d’écart) a occupé la 13e place sur 50. Elle se situe derrière :
- les États-Unis (1er),
- le Japon (3e),
- la Chine (4e),
et nos trois principaux partenaires commerciaux, à savoir :
- l’Allemagne (2e),
- la France (6e)
- les Pays-Bas (8e).
Si l’on rapporte le nombre de demandes de brevets à la population, la Suisse arrive en tête avec 1.085,3 demandes de brevets par million d’habitants, suivie par la Suède (495,1) et le Danemark (444,5). Les Pays-Bas décrochent la 5e place, l’Allemagne la 7e, la Belgique la 9e et la France la 14e.
Outre le constat d’activité innovante sur le territoire des leaders du classement, ces chiffres témoignent des volontés d’investissements. En effet, ces résultats montrent l’intention des entreprises américaines, chinoises et japonaises de se développer sur le marché européen (OEB, Patent Index 2023).
Demandes de brevets depuis la crise sanitaire
Depuis la crise sanitaire, le nombre de demandes de brevets déposées par la Belgique et les pays voisins a fluctué de la manière suivante :
- Belgique : le nombre de demandes a diminué dans un premier temps (-1 % sur un an en 2020) pour ensuite repartir à la hausse et atteindre en 2022, son niveau le plus haut depuis une décennie, avant de baisser en 2023 (-2,2 %) ;
- France : le nombre de demandes en 2022 a également surpassé les précédents résultats (2019-2021), avant de se contracter légèrement en 2023 ;
- Pays-Bas : après avoir reculé en 2019 (-2,8 %) et en 2020 (-8,0 %), le nombre de demandes a dépassé en 2023 son niveau d’avant crise, à la faveur d’une progression consécutive de 3,0 % en 2021, de 3,3 % en 2022 et de 3,5 % en 2023 ;
- Allemagne : le nombre de demandes a diminué en 2020 (-3,3 %) et en 2022 (-4,9 %). Il progresse en revanche en 2023 (+1,4 %), sans toutefois rattraper son niveau d’avant crise sanitaire.
Ces évolutions indiquent que la crise sanitaire a eu un impact négatif sur l’innovation. En 2023, dans le top 10 mondial, la France et le Japon ont présenté un taux de croissance à 1 an d’écart négatif (respectivement -1,5 % et -0,3 %). Dans l’UE27, dix pays, parmi lesquels la France, la Belgique, le Danemark et l’Irlande, ont connu en 2023 une croissance à 1 an d’écart négative. Parmi nos trois voisins, seuls les Pays-Bas et l’Allemagne enregistrent en 2023 une progression du nombre de demande de brevets.
Les demandes de brevets déposées en France ont baissé en raison essentiellement du déclin observé dans :
- les produits pharmaceutiques
- les autres machines spéciales
- le génie civil
- les machines, appareils et énergie électriques
En Belgique, le repli des demandes de brevets était imputable au déclin observé dans :
- les autres machines spéciales
- les produits pharmaceutiques
- le génie civil
- la technologie des surfaces, le revêtement
- les matériaux, la métallurgie
Le recul des demandes de brevets du Japon a touché des secteurs comme :
- la technologie informatique
- la technologie médicale
- le transport
- la communication digitale
- la technologie audiovisuelle
- la chimie macromoléculaire
Ces informations proviennent du Patent Index 2023 de l’OEB.
Le domaine de la biotechnologie en tête des demandes de brevets introduites auprès de l’OEB par la Belgique en 2023
Sur la base des demandes de brevets déposées par les pays, l’OEB réalise également un classement par domaine technologique. En 2022, le domaine « autres machines spécialisées » arrivait en tête en Belgique, suivi des produits pharmaceutiques et de la biotechnologie. En 2023, le domaine de la biotechnologie prend la tête du classement, avec une augmentation de 27,9 % des demandes de brevets. Les produits pharmaceutiques (2e en 2022) reculent de 14,0 % mais conservent la 2e place en 2023. En revanche, le domaine « autres machines spécialisées » (1er en 2022) enregistre une baisse de 41,2 % en 2023 et occupe désormais la 4e position. Le domaine de la technologie médicale (4e en 2022) progresse de 22,0 % et occupe la 3e position en 2023.
Les déposants actifs dans les domaines technologiques cités ci-avant sont essentiellement des multinationales, des universités et un institut de recherche interuniversitaire. Par ailleurs, l'Europe est entrée dans une nouvelle ère de promotion de l'innovation, grâce à l'entrée en vigueur de la réforme du brevet européen avec effet unitaire le 1er juin 2023.
Le brevet européen à effet unitaire sera particulièrement utile aux jeunes entreprises, aux petites et moyennes entreprises (PME) mais aussi aux universités et services de transfert de technologies. Il contribuera à mieux valoriser leurs investissements innovants sur le marché européen.
Pourquoi encourager les PME belges à innover ?
Les théories des économistes Schumpeter (1912/1934), Solow (1957), Aghion (2011), reconnaissent l’innovation comme un élément clé du processus de croissance économique.
Les PME sont très importantes pour notre tissu productif car elles représentent 99,8 % des entreprises actives dans le secteur des entreprises non financières et 66 % de l’emploi total (en 2020). Sur le plan de la valeur ajoutée, le poids des PME belges (57,5 % en 2020) est plus important qu’au niveau européen (52,5 % en 2020). Les mesures visant à les sensibiliser à l’utilisation des différentes formes de droits de propriété intellectuelle (« DPI »), dont les brevets, apparaissent donc primordiales.
Par ailleurs, les données de l’étude du SPF Economie et de l’Office Benelux de la Propriété Intellectuelle (janvier 2022) montrent que seulement 3 % des entreprises belges ont obtenu un DPI entre 2010 et 2019. Pourtant, l’étude conjointe de l’Office européen des brevets (OEB) et de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) sur le lien entre la croissance des PME et l’utilisation de la propriété intellectuelle révèle que :
- les PME ayant déposé au moins un droit de PI ont 21 % de chance supplémentaire de connaître ensuite une période de croissance et ont 10 % de chance supplémentaire de devenir une entreprise à forte croissance ;
- une PME a jusqu’à 33 % de chances supplémentaires de devenir une entreprise à forte croissance si elle utilise un « bouquet » de marques, brevets et dessins ou modèles plutôt qu’une seule catégorie de droits de PI.
Les raisons du faible résultat sur les entreprises belges ayant obtenu un DPI sont multiples, à savoir :
- l’enregistrement d’un DPI représente une procédure qui peut être perçue comme coûteuse, surtout si l’application du droit en question est également prise en compte en cas de litige (en matière de contrefaçon ou au regard de la validité du droit). Les PME génèrent moins de trésorerie et font face à des obstacles plus importants en matière de financement externe, ce qui les rend plus fragiles financièrement en comparaison des grandes entreprises ;
- l’absence d’expertise juridique et administrative, de spécialistes internes de la propriété intellectuelle, pour évaluer correctement les options disponibles en matière d’enregistrement de la propriété intellectuelle.
Par conséquent, les PME sont plus susceptibles d’adopter des stratégies d’appropriation alternatives comme l’open innovation (qui offre un échange de connaissances entre partenaires), le secret ou le temps d’avance du leader « lead time » (Christian Le Bas, Bérangère L. Szostak, 2016).
Afin de soutenir durablement le potentiel innovant des PME, plusieurs initiatives ont récemment été lancées au niveau européen, notamment le plan stratégique 2025 de l’EUIPO et la stratégie PME de la Commission européenne (CE,2020).